Ricardo Bofill (1939-2022) : une grande figure du postmodernisme
Ricardo Bofill est décédé le 14 janvier 2022 à l’âge de 82 ans. Retour sur le parcours du célèbre architecte catalan, bien connu en France pour ses constructions néoclassiques en béton.
Ricardo Bofill naît le 5 décembre 1939 à Barcelone. Il fait une partie de sa scolarité au lycée français de la ville puis, suivant les traces de son père, s’inscrit à l’école technique supérieure d’architecture de la capitale catalane. Mais, en 1956, alors que le dictateur Franco dirige l’Espagne, il en est exclu pour cause de militantisme socialiste. Bofill poursuit alors ses études d’architecture à Genève, de 1957 à 1960. Après de premières expériences professionnelles, il fonde en 1963 le Ricardo Bofill Taller de Arquitectura (RBTA), un atelier qu’il installera en 1975 dans une cimenterie désaffectée près de Barcelone (voir encadré). Ses débuts sont marqués par un certain régionalisme, avec de nombreuses réalisations en Espagne : Xanadú (1971) et Muralla Roya (1973), un immeuble vert et l’autre rouge au bord de l’eau, à Calp, Family House (1973), une étonnante villa à Montràs, organisée autour d’une piscine à carreaux rouges, ou encore Walden 7 (1975), un ensemble immobilier de couleur ocre jouxtant sa cimenterie.
Un postmodernisme néoclassique
L’ambitieux architecte ne tarde pas à tourner son regard vers la France. En 1976, il est à la frontière franco-espagnole où il construit au bord de l’autoroute une pyramide végétalisée surmontée d’un édifice en brique rouge. Quelques années plus tard, il franchit la frontière et s’impose en France comme une grande figure du postmodernisme. Il y bâtit des constructions néoclassiques en béton en rupture avec l’architecture moderne.
[caption id="attachment_12919" align="aligncenter" width="5000"] ©Ricardo Bofill-Taller de Arquitectura[/caption]
De nombreuses réalisations en Île-de-France
Dans les villes nouvelles d’Île-de-France, Bofill invente des logements sociaux d’un nouveau genre, avec arcades, colonnes ou ornements. A Saint-Quentin-en-Yvelines, ses Arcades du lac (1982) s’avancent dans l’eau comme une jetée. Elles seront surnommées le « Versailles du peuple ». La même année, à Noisy-le-Grand, un grand complexe immobilier voit le jour : Les Espaces d’Abraxas, trois bâtiments nommés Le Théâtre, Le Palacio et L’Arc. Dès le début, ils font le bonheur des cinéastes. Jean-Pierre Mocky y tourne des scènes pour A mort l’arbitre (1984) et Terry Gilliam l’investit pour Brazil (1985). Plus récemment, le site a accueilli le dernier opus d’Hunger Games (2015). Dans une autre ville nouvelle, Cergy-Pontoise, Bofill a dessiné un magnifique arc de cercle formant Les colonnes de Saint-Christophe (1986). Avec ces différentes constructions, parfois controversées, l’architecte acquiert une grande notoriété en France. En 1984, il est fait officier de l’ordre des arts et des lettres. La star catalane marque aussi Paris de son empreinte en construisant Les Echelles du baroque (1986) : un ensemble résidentiel qui entoure la place de Catalogne, dans le 14e arrondissement.
Le quartier Antigone à Montpellier
L’autre grande réalisation de Bofill en France est le quartier Antigone à Montpellier. A partir de 1983, par la volonté du maire Georges Frêche, il couvre un terrain de 36 hectares par ses constructions s’inspirant de l’Antiquité. En 1989, l’hôtel de la région Languedoc-Roussillon s’y implante et les aménagements du quartier se poursuivent jusqu’en 2000.
Dans les années 1990, l’architecture de Bofill évolue et utilise plus de verre et d’acier. À Barcelone, le Théâtre national de Catalogne (1997) est une sorte de théâtre grec aux façades vitrées. En 2001, l’architecte construit à Tokyo une élégante tour vêtue de rouge, le siège de Shiseido. En 2009, on lui doit l’Hôtel W, un bâtiment emblématique du littoral barcelonais. Récemment, son agence d’architecture a conçu le campus de l’Université polytechnique Mohammed VI, une construction horizontale qui s’étend depuis 2016 au nord de Marrakech. Le Ricardo Bofill Taller de Arquitectura (RBTA) poursuit aujourd’hui l’œuvre de son fondateur.
La Fábrica ou la métamorphose d’une cimenterie
C’est à l’ouest de Barcelone, en 1973, que Ricard Bofill découvre la cimenterie de Sant Just Desvern. L’architecte catalan rêve alors de donner une seconde vie à cet ensemble industriel en passe d’être démantelé. Après des travaux de démolition partielle et d’aménagement, Bofill y installe son cabinet d’architecture dans les huit silos subsistant. Une partie de la cimenterie devient même sa résidence familiale ! La nature, luxuriante, reprend progressivement ses droits autour des bâtiments. Des jardins sont aménagés. L’espace central de La Fábrica, le nom donné à la cimenterie métamorphosée, s’appelle désormais la cathédrale. C’est un ancien hall, d’une hauteur de plafond de 10 mètres, transformé en salle de réunion et d’exposition. Une belle vitrine pour le Ricardo Bofill Taller de Arquitectura qui regroupe aujourd’hui une centaine de collaborateurs.