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“D’ici 5 ans nous pourrons construire des maisons en béton avec une imprimante 3D”

Rencontre avec Enrico Borgarello, Directeur Innovation Produit du Groupe HeidelbergCement, pour nous présenter les dernières avancées et les prochaines étapes de l’impression 3D dans le secteur de la construction.

Que représente pour vous la nouvelle technologie de la construction portée par l’impression 3D ?

C’est l’entrée de la digitalisation dans le secteur de la construction. Pour vous donner une image de ce que représente l’impression 3D dans notre secteur, l’architecte dessine sur son écran la maison que vous voulez. Il envoie les informations à un « robot » qui donne toutes les informations à l’imprimante installée sur le site de construction et la maison prend forme. C’est rapide, flexible, économique et durable car nous n’utilisons que les matériaux strictement nécessaires, rien de plus, et il n’y a ni déchets, ni poussières.

Quel est son degré de maturité aujourd’hui et quel avenir lui voyez-vous ? Quels sont pour vous les champs d’utilisation dans lesquels cette technologie va se développer le plus rapidement ?

Nous sommes actuellement dans la phase d’exploitation de l’impression 3D. Celle-ci existe néanmoins depuis longtemps, notamment dans la métallurgie, car elle permet de réduire le stockage des pièces de rechanges. Vous pouvez en effet imprimer la pièce que vous voulez sur le moment. Les polymères et les biotechnologies l’utilisent aussi beaucoup mais dans la construction ce n’est pas encore très reconnu. On aime encore voir les choses sortir de terre avec beaucoup de personnes sur des chantiers. Mais avec nos équipes nous sommes en train de démontrer que cette technologie est prête et qu’elle peut arriver sur le marché d’ici 5 ans. Notamment pour l’impression de petites maisons d’un ou deux étages, dans des lieux où il est difficile de construire par manque d’espace. Pour les grandes infrastructures comme les ponts par exemple cela sera un peu plus long, mais d’ici 10 ans ce sera une technologie utilisable. 

Depuis combien de temps travaillez-vous au développement de ces nouveaux bétons que l’on appelle des ”encres” ? Et pouvez-vous nous expliquer de quoi il s’agit ?

Nous avons commencé en 2015. On l'appelle “encre” un parallèle simple avec les imprimantes que nous utilisons tous les jours, mais il s’agit de mortier. Le principe est le même que pour l’imprimante que vous avez à la maison. Sauf qu’ici on injecte un produit d’une consistance similaire à une pâte dentifrice , (pour ne pas boucher l’imprimante, et capable de durcir rapidement comme le béton, afin qu’il soit possible d’imprimer une couche sur l’autre. C’est comme ça que l’on peut réaliser des impressions 3D en hauteur.

 

Quelle est la vitesse de durcissement de ces “encres” par rapport au béton classique ?

Quelques minutes. Et nous venons de le démontrer en construisant la première maison habitable en Allemagne. La vitesse moyenne d’impression est de 200-250 mm/ s et ça c’est la limite de notre produit parce que les machines actuelles dans d’autres applications peuvent aller à plus de 1000 mm / s. Mais bientôt on pourra aller aussi vite que les imprimantes que l’on a à la maison.

A-t-on a les mêmes performances   que le béton classique à 7j, 28j…

Oui.

Une centrale à béton peut avoir plus de 250 formules de béton disponibles pour répondre spécifiquement à une application, à une partie d’ouvrage. En est-il de même avec les encres ? Combien de formules existent-ils aujourd’hui ?

Aujourd’hui nous avons deux formules : une à prise plus rapide et une offrant une vitesse de durcissement moins rapide ; elles sont fonction de la technologie des imprimantes . L’enjeu bien sûr est de développer des formules avec les matériaux locaux voire même avec des produits issus du recyclage. La notion de « service » est essentielle, c’est aussi tout la philosophie de l’impression 3D.  

Quels sont les composants des encres ?

Aujourd’hui, nous utilisons les composants traditionnels du béton à faible impact sur l'environnement, des granulats, du sable, du ciment, des adjuvants et de l’eau. Demain, nous pourrons travailler avec des encres composées de matériaux issus du recyclage comme des granulats issus des bétons de déconstruction, des scories, …. Qui apporteront toujours des atouts structurels et aussi environnementaux.

Quel est le statut normatif de ces encres ?

C’est l’avancée majeure de cette année. Ces produits ne sont pas encore normés. Mais le gouvernement allemand nous a invité à imprimer une maison dans le nord de l'Allemagne en partenariat avec l’université de Munich et le gouvernement local de Rhénanie-du-Nord-Westphalie. Celui-ci nous a autorisés à imprimer notre première maison privée habitable. Jusqu’à présent nous n’avions réalisé que des démonstrateurs. Grâce à ce précédent, nous allons pouvoir nous rapprocher des instances publiques pour obtenir les autorisations nécessaires. C’est une clé essentielle pour développer ce marché et c’est ce à quoi nous nous attachons actuellement en Italie.

 

HeidelbergCement a déjà imprimé une maison 3D en Italie et une autre en Allemagne. Quels enseignements tirez-vous ? 

 

Tout d’abord c’est une technologie très flexible puisqu’elle permet de changer les dessins jusqu’à la dernière minute. Ensuite, c’est un service très rapide, très peu encombrant, qui demande moins de machines, génère deux fois moins de CO2 et qui aura un rapport qualité/prix très avantageux. Et enfin, c’est un changement culturel qui va s’opérer dans les années qui viennent, qui va changer notre regard sur l’acte de construire et la valorisation de ces métiers.

 

Quelles sont les prochaines étapes ?

Les applications structurelles comme les ponts, le gros oeuvre. C’est ça le vrai challenge. L’impression 3D est aussi une bonne façon de communiquer avec les jeunes. Cette technologie les fascine. C’est un moyen de recruter des talents qui s’intéressent aux nouvelles technologies. Pour eux c’est facile et intuitif. Un jeune comprend vite le fonctionnement de ce type de machines et cela ouvre de belles perspectives pour le secteur de la construction. Cette évolution technologique, preuve de son dynamisme devrait également entraîner le retour de beaucoup de jeunes vers ces métiers qui associent la créativité, le goût d’entreprendre et de réaliser, associé à une technologie pertinente, performante totalement dans leurs codes et leurs perspectives. Je suis très optimiste pour le futur de la construction.

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